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L'église Saint-Pierre-Es-Liens

Les tumultes des guerres de religion

Fondée par les moines de l'abbaye de MOISSAC, elle fut cédée aux Évêques de CAHORS, en 1270.

Son remarquable décor rappelle l’actualité du catholicisme, entre évènements heureux et malheureux.. Nulle église du Tarn-et-Garonne ne possède un pareil ensemble. Elle a une grande valeur historique. A l’extérieur, l’église est un édifice de style paléochrétien, mais à l’intérieur, elle illustre le romano-byzantin.

Celle-ci fut reconstruite à la fin du XVème siècle, dans le style gothique.
Expurgée et utilisée par les calvinistes durant le XVIème, la deuxième construction fut dévastée en 1622, lors de la prise du village par le roi Louis XIII. Temple et église étaient au bord de la ruine quand les troupes royales partirent.              

Détruite, hormis le clocher, pendant les guerres de religion , lors du Siège de Nègrepelisse par les armées de Louis XIII en 1622, elle sera rebâtie, en 1645, par Alain de SOLMINHIAC, évêque de Cahors,  avec de pauvres moyens.

Cette église, marquée par le temps et la Révolution Française, fut à son tour démolie et reconstruite de 1868 à 1870. Les plans furent établis par M. Jules BOURDAIS, architecte à Paris, mais ingénieur de formation. Il employa comme support de la voûte la technique de l'époque : la fonte. Sa reconstruction fut assez rapide puisque quatorze mois après la première pierre érigée, le monument religieux était dressé à côté du château. En août 1869, le chantier était terminé. Il avait coûté 38 515,71 frcs au total sachant qu’il y a eu un rabais de l’entrepreneur de  15 % et une économie de 4700 frcs sur les matériaux de récupération.

Elle fut donc reconstruite au XIXème siècle à l’emplacement même des deux édifices précédents. Elle se situe à une place de carrefour entre l’ancienne porte St-Blaise (en direction de Caussade) et le centre de la bastide.

 

 

Style romano-gothique

Du point de vue architectural , décoratif et historique, l'église de Nègrepelisse, se démarque de la production contemporaine dans la région montalbanaise.L’église est de style gothique et romano-byzantin. Les voûtes, les arcs et les doubleaux rappellent la fin du XVIIème. La rose perçant le chevet se réfère aux roses de Chartres, symbole de l’art gothique. La composition tripartite est un trait caractéristique de l’art romano-byzantin (on retrouve d’ailleurs cette composition aux quatre piliers du temple protestant de Nègrepelisse). L’ancien monument catholique fut désossé. On conserva la charpente, les tuiles, les briques pour les réutiliser. Le démantèlement de l’église a révélé des consoles sculptées, des armoiries peintes de la famille Séguier (aujourd’hui effacées, elles figurent en photographie dans le fonds de la société archéologique qui n’avait qu’un an lors de la reconstruction du bâtiment), deux dalles ensevelies sous l’escalier qui descendait à la nef dont les origines restent à prouver. L’une se trouve au musée archéologique en gestation et l’autre a disparu. Un reste de galerie entourant la flèche conservée dans le haut de l’escalier fut également retrouvé, dissimulée par une maçonnerie.

 

Malgré la récupération des tuiles et de la charpente, certains matériaux durent être renouvelés. Les tuiles sont venues de Bruguières, le plâtre des Pyrénées, et le ciment de Cahors. Les matériaux de démolition furent coulés dans les remblais. Les colonnes de la nef furent fondées avec du ciment. On bâtit les murs en terre cuite ou « briques biscuites ». Elles allient la solidité à l’esthétisme. Deux qualités de pierre ont été utilisées pour l’édification de l’église, pour les sculptures de la rose, les clefs de voûte, les chapiteaux et les colonnettes : la pierre demi- dure de Saint-Georges, et la pierre tendre de Chancelade. Des briques creuses, légères, de 6 cm d’épaisseur ont été employées pour les voûtains.

Le clocher, seul souvenir des temps passés

Les bâtisseurs de l’époque gardèrent le clocher, qui est l’un des plus beaux de la région, et qu’on a pu sans exagération qualifier de « joyau archéologique du XVème siècle». Le clocher de l’église a traversé les guerres de religion. Il date de 1460.  Le clocher, d’une hauteur de 49 mètres au-dessus du sol, s’élève à 145 mètres du niveau de la mer. Le sommet de la pyramide a été frappé par la foudre en 1811 (d’après le livre paroissial de la commune) et n’a pas retrouvé sa beauté d’antan. Son style toulousain rappelle celui de Caussade et de Montricoux. La patine lui donne une couleur extraordinaire. De plan octogonal, il appartient au genre dit «Toulousain», dont celui de l’église St-Sernin est le prototype, et dont le Tarn-et-Garonne possède plusieurs beaux spécimens. Il repose sur un porche ouvert. Sa base, où la pierre se marie à la brique est puissante comme un donjon. Les trois étages de la tour se dressent au dessus d’une sorte de balcon en saillie qui avait jadis une galerie ajourée.  Chaque face est percée de baies en arc de mître.  L’étage supérieur, privé aussi de sa galerie, s’orne de belles chimères qui servent de gargouilles.  La flèche est décorée de crochets et se termine à 49 mètres.  Le portail est également une œuvre du XVème siècle. Son encadrement avec tores évidés et accolades, est très élégant. On remarque sous le porche, l’ouverture circulaire destinée au passage des cloches.

 

Le mobilier

L’intérieur du vaisseau a été décoré par un enfant de Nègrepelisse, l’abbé Léris, ancien élève de l’école de peinture de Rome, qui a déployé ici la richesse de sa palette et l’art savant de ses motifs stylisés.
Dominant le maître-autel, une grande statue de St-Pierre, assisse en majesté dans sa cathèdre de pontife, rappelle aux visiteurs qu’il est en quelque sorte le maître de céans, puisque l’église lui est dédiée.

Les stalles

La partie la plus précieuse du mobilier est un ensemble de stalles du début du XVème siècle, de style gothique flamboyant, situées de part et d'autre du choeur dans la nef. Les accoudoirs sont ornés de feuillage contourné ; aux miséricordes figurent des scènes qui ne manquent pas de saveur. On y voit notamment deux hommes qui se disputent l’autorité, l’un barbu et ridé , et l’autre imberbe : l’éternelle opposition des jeunes et des vieux. On y distingue également un épisode de la coutume antique du mariage : l’introduction de la fiancée par l’époux dans sa maison ; tandis que le marié est déjà chez lui, il invite sa compagne à le suivre en la tenant par le petit doigt, et à franchir sans crainte la porte largement ouverte au-dessus de laquelle une rose pendant symbolise l’amour.

Seize stalles en bois de chêne sont classées aux Monuments Historiques depuis le 18 décembre 1958, et elles constituent avec le clocher les derniers vestiges de l’ancien sanctuaire du XV ème siècle. Le donateur des stalles est Pierre de Carmaing mais le « sculpteur artiste » est inconnu.

Ce sont des sièges en chêne à dossier élevé garnissant les deux côtés du chœur qui étaient réservées autrefois aux membres du clergé. Ils se composent de stalles hautes et de stalles basses où l’on voit des parcloses, cloison de séparation entre les stalles, des museaux, avancée de séparation du dossier, des miséricordes, consoles en bois sculpté sous l’abattant du siège, des colonnettes de dorsal. Suivant de multiples recherches, les historiens ont supposé qu’elles datent du XV ème siècle, vers 1460 lors de la reconstruction gothique de l’église. Seize stalles ont été répertoriées mais on a constaté qu’elles furent coupées aux extrémités où il aurait du y avoir des joues sculptées. On suppose que ces joues ont été saccagées par les protestants lors de l’expurgation de l’église de Nègrepelisse en 1561. Les plus anciennes subirent des modifications lors de la reconstruction du sanctuaire au XIXème. En effet, deux d’entre elles ont été réalisées en sapin avec un abattant en peuplier, et selon le registre de la Fabrique Paroissiale de 1804 à 1870, Bourdais, aurait intégré ces deux nouvelles stalles ( on note : « Quatorze stalles avec leur boiserie »). De plus, elles étaient toutes recouvertes d’une épaisse couche d’encaustique noirâtre pour camoufler les ajouts. Les restaurateurs des Affaires Culturelles en 1962 ont décapé complètement cet enduit et ont agrémenté trois stalles de miséricordes en plastique gras et marron, vulgaires copies. 15 appuis-main sont d’authentiques pièces du XVème. 13 représentent des feuilles de chênes ou de figuiers et une colonnette sculptée surmonte chaque appui-main. Les deux autres représentent pour l’un, un dragon à queue de serpent et ailes de chauve-souris dont la tête a disparu et pour l’autre, un animal curieux : une sorte de dromadaire bipède velu dont la face est un humain barbu coiffé d’un bonnet. 13 miséricordes sont authentiques. Elles représentent des animaux, des feuillages, et des êtres humains ( couple de jeunes mariés, Jean XXII pape à Avignon, Pierre Duèze). Ainsi, ce témoignage du temps combine des scènes de la vie courante, des représentations de la famille et du donateur et la botanique.

Les ornements vitrés

Un programme vitré appelé « décor ultramontain » a été élaboré dans ce sanctuaire suite à l’écroulement du second empire. Ce décor est un rappel du triomphe de la République. Ainsi, dans le centre de la rose a été apposé un vitrail représentant la délivrance de Saint-Pierre. Les verrières colorées évoquent des évangélistes entourant ce saint avec les armes de l’évêque Doney, et Saint-Augustin surmonté des armes de Pie IX. On y retrouve aussi un hommage à l’abbé Laroque, la datation de l’Eglise, l’affirmation de fidélité envers le pape, et une volonté de voir rétablir l’autorité ecclésiastique. Le vaisseau est composé de triple fenêtres ornées d’un grand personnage aux pieds flanqués de deux grisailles. La plupart des figures sont le souvenir des acteurs de la construction du sanctuaire, mais, ont aussi des implications politiques, morales et sociales.

Les ornements vitrés furent complétés en 1875 par les statues de Saint-Joseph et Sainte-Germaine, sainte méridionale symbolisant l’image de la femme pauvre, mais charitable et généreuse, proposée comme femme idéale, modèle de vie aux épouses de Nègrepelisse. Le patron de l’Eglise de Nègrepelisse est Joseph, époux chaste et croyant de la Vierge Marie, donc un gardien en qualité de paterfamilias. Joseph et Germaine sont placés en pleine lumière de part et d’autre de l’autel. La grande richesse iconographique des vitraux est remarquable.

Le dernier élément parachevant le décor ultramontain est une « Chaire de Saint-Pierre », installée en 1880 derrière l’autel, image de la souveraineté du pape. Cette statue dorée, haute de 2 mètres, atteignait le centre de la rose auparavant et il semblait que la tête du saint était surmontée d’une auréole. « Le prince des apôtres vêtu d’or, bénissant les clefs, la tête ceinte du nimbe, assis sur sa chaire au sein de l’abondante lumière que répand autour de lui la grande verrière sur laquelle est reproduite la scène de sa captivité et de sa délivrance, n’est ce pas un saisissant symbole ? » ( chronique paroissiale, cahier II, abbé Marty). Il témoigne de la fidélité à l’autorité de la Sainte Eglise et du pontife romain. Cette statue drapée d’or ressemble à une très célèbre sculpture de bronze conservée dans la basilique Saint-Pierre de Rome, œuvre provenant de « la manufacture d’art chrétien » à Vendeuvre-sur-Barse, (département de l’Aube), et édifiée par le sculpteur Léon Moynet.